Vis ma vie d'hypocondriaque
Plusieurs billets me tiennent à coeur mais pour bien comprendre le pourquoi du comment de certain, il en est un qu'il faut que j'aborde dès le début... Je suis hypocondriaque. Ou plutôt je l'étais... ou plutôt je le suis encore mais je ne fais plus de crise depuis un bon moment. Bref, une longue histoire à vous racontez pour je l'espère, réussir à vous faire entrevoir ce qu'il se passe dans la tête des gens comme moi. Et surtout pour aider ceux qui traversent ça... C'est une situation très délicate, souvent méprisée par les autres personnes qui n'ont pas ce problème, et qui s'imaginent tout de suite le malade imaginaire de molière.
- Le début
En fait, tout a commencé quand j'avais 11 ans. Mon papa a été hospitalisé pour une brûlure grave de la jambe. Pendant son séjour à l'hopital, une tumeur est apparue au niveau de la gorge. A l'époque, pour me préserver, ma famille n'a jamais parlé de cancer. A la même époque, le chien des voisins a également développé une tumeur au niveau de la pâte. Là par contre, on m'a dit que c'était un cancer... J'ai fait immédiatement le rapprochement avec mon papa et c'est ainsi que j'ai réalisé sa maladie. Le chien est mort très rapidement... mon papa a tenu seulement 3 mois... Fille unique, ça a été très dur de vivre cette période avec ma maman. J'ai été forte, peut être trop, et j'ai beaucoup soutenue ma maman qui avait besoin de moi. Mais à l'intérieur de moi ça n'allais plus vraiment. J'ai commencé à avoir une peur panique de la maladie et une totale "inconfiance" envers le médecin de famille qui n'avait jamais perçu le cancer de mon papa.
J'ai alors commencé à me "checker" tous les soirs : est-ce que j'avais un nouveau symptôme ? Ce grain de beauté là, il était pas plus petit hier ? Mon mal de ventre, c'est pas une occlusion intestinale ? Chaque "symptôme" m'angoissait jusqu'à l'obession. La seule façon que j'avais pour que ça disparaisse c'était de consulter un autre médecin que celui de famille... Jusqu'à l'apparition d'un nouveau symptôme.
C'est là que la plupart des gens ne me comprennent plus. Peut être que pour vous, il suffisait que ma mère me dise : "et oh stop, c'est dans ta tête !!". C'est ce qu'elle a fait un temps... Oui mais voilà, le cerveau peut parfois prendre le dessus sur le corps. Vous admettez l'effet placebo ? Et bien le corps est capable de l'inverse également. Par exemple, persuadée d'avoir un cancer comme mon papa, un kyste s'est formé. Concrètement, la peur d'avoir un cancer à provoquer un symptôme qui y ressemblait beaucoup...
- Une amélioration...
Arrivée au lycée, le deuil de mon papa presque fait, j'ai rencontré de super amis. J'ai eu le cerveau très pris par mes études qui me passionnaient, les sorties avec les amis et la rencontre avec mon Homme. J'ai choisi de faire un bac STL en biologie, le but de la manoeuvre à l'époque étant de trouver à terme un traitement contre le cancer... A ce moment là, mes angoisses sur la maladie se sont un peu calmées. Je m'oscultais toujours de temps en temps mais j'arrivais à me dire "c'est dans ta tête", "est ce que tu as d'autres symptômes ?", "attends de voir si ça empire".
- La rechute...
Mon bac en poche, j'ai quitté mon nid familial pour faire mes études de biologie dans une autre ville. Quitter ma maman et mon chéri a réenclenché mes peurs. Auscultations personnelles quotidiennes, crises d'angoisses presque tous les soirs... En plus chaque jour j'étudiais de nouvelles maladies, apprenais de plus en plus à reconnaître les symptômes... bref une véritable obsession. Même le soir je n'étais pas sans penser aux maladies : Docteur House et les autres séries médicales devenaient à la mode et me faisaient replonger dans mes angoisses. Ma plus grosse phobie à ce moment là : la méningite, (parce que foudroyante) qui commence par une raideur de la nuque, et la sclérose en plaque qui se déclare anodinement vers 20 ans par des fourmillements et qui à la réputation de pouvoir être provoquée par la vaccin contre l'hépatite B que j'avais du me faire pour mes études.
- THE crise
Un soir d'été, en vacances à la mer, toute la famille étaient devant la télé à regarder un épisode de docteur House. Un patient fait une crise cardiaque. A ce moment là je sens des picotements dans le bras droit. Mon coeur commence à s'emballer. J'ai des sueurs froides. Ma maman et mon chéri s'occupent de moi : je suis en panique, je pense que je fais une crise cardiaque. Je sais que c'est ridicule et que c'est parce que j'en vois une à la télé que ça me fait ça... Mais il y a toujours cette petite voix dans ma tête qui me dit "et si en fait c'est vrai". Je ne veux pas qu'on appelle le SAMU car je me trouve ridicule... Mais en attendant, l'angoisse monte. Je me retrouve avec des fourmillements dans tout le corps et surtout derrière la tête, au niveau de la nuque (angoisse de la méningite revient en puissance). Ma langue se gonfle, j'ai du mal à avaler. Une boule se forme dans ma gorge. J'ai du mal à bouger... Mon chéri et ma maman se sont sentis complètement impuissants face à cette crise. Ils ont tout essayé, les "c'est ridicule", les "tu veux qu'on appelle le médecin", le dopliprane miracle, la balade dehors,... Rien ne me calmait. J'ai fini par m'endormir d'épuisement.
- Le diagnostic
A mon retour de vacances, j'ai consulté le médecin. C'est à ce moment là que le diagnostic d'hypocondrie a été enfin diagnostiqué ! Je dis enfin car jusque là, on me prenait juste pour une menteuse (sauf ma maman qui ressentais mon malaise sans savoir comment le gérer)... En plus de ça, on a diagnostiqué que ces crises d'hypocondrie provoquaient des crises d'angoisse se manifestant par des crises d'angoisse menant à la tétanie. Chaque fois que j'ai un "symptôme", mon cerveau l'amplifie. S'en suit une tachycardie qui provoque une acidose de mon sang. J'ai alors des fourmillements qui apparaissent alors commençant par mon bras droit (peur de la crise cardiaque... qui amplifie le phénomène). Un cercle très vicieux qui est sans fin... Le médecin a bien essayé de me donner des médicaments pour calmer mes crises mais à cause de mes études, je sais reconnaître les placebos et du coup, ça ne marche pas !
- La solution
J'ai essayé d'aller voir un psy pour mettre fin à mon hypocondrie. Elle m'a dit que le problème c'est que je sais d'où vient ma peur de la maladie (mon papa...), que mes études m'ont donné des connaissances suffisantes pour que la petite voix qui dit "et si..." puisse être plus forte que la petite voix qui dit "mais tu es ridicule ma pauvre". Pour couronner le tout, mon Homme ne sait absolument pas gérer mes crises d'angoisse et me panique plus qu'autre chose (mais pour le reste il est formidable hein^^). Heureusement ma maman elle, sait me calmer. Quand j'ai une crise et que je n'arrive pas à la gérer toute seule, je l'apelle et ça va mieux. Elle trouve toujours les mots pour me faire aller mieux et m'endormir. Finalement, c'est pendant mon année de M2 que j'ai enfin trouvé la solution pour aller mieux toute seule. Un collègue psychiatre faisait un mémoire sur l'hypocondrie et avait besoin de "cobaye hypocondriaque" pour faire son questionnaire de psychiatrie. Lui même a été hypocondriaque et savais gérer ses crises. Il m'a fait réaliser l'extrémité de mes pensées concernant la maladie et expliquer comment marchaient les fourmillement (l'histoire de l'acidose dont je vous ai parlé). Il suffit de ré-oxygéner le sang pour que les fourmillements partent. Du coup je n'ai qu'à respirer et ça va mieux.
L'autre chose qui m'a aidé à aller mieux c'est l'humour. J'ai avoué à mes amis ma "maladie". Dès que j'ai une crise qui arrive en leur présence je leur dis ma peur et on se moque ensemble de l'idiotie de celle-ci. Ça marche plutôt bien :) Quand je suis seule, je me force à avoir un symptôme : "ça serait grave si en plus tu avais ça comme autre symptôme"... et généralement le fourmillement arrive dans la foulée confirmant que c'est dans me tête ! Oui je piège ma propre bêtise :P
Maintenant que je ne suis plus dans les études, ça va mieux ! Je suis certes toujours dans la biologie mais je n'apprends plus de nouvelles maladie. J'ai mon confort de vie avec mon Homme. Je sais reconnaître mes crises et le petit "et si..." se fait de plus en plus discret. J'ai toujours peur de la sclérose en plaque parce que le "et si tes fourmillements répétés étaient en fait des prémices de la Sclérose en Plaque" sont toujours là mais j'arrive à faire outre. J'ai fait le deuil de mon papa (il a fallu 10 ans quand même) et je pense que ça aussi ça m'aide beaucoup à aller de l'avant. Le livre de M.Cymes m'a également pas mal aidé. Bon je ne vous le cache pas, j'évite de regarder les reportages sur les maladies, le journal de la santé (même si j'adorais ça) et certaines séries médicales. Mais dans l'ensemble, ça va bien :) Pas de crises depuis un an !
- Pour conclure
Bref, si vous avez tenus le coup jusque là bravo ! Je pense que cet article pourra être utile à ceux qui vivent ça, où dont un proche l'est, et qui n'ont pas encore trouvé de solutions pour aller mieux. Personne ne vous comprendra... les gens n'arrivent pas à se rendre compte de la puissance de persuasion de notre propre cerveau. On a beau se dire que c'est dans notre tête ça ne suffit pas. Pour peu que les médecins ne prennent même plus la peine de vraiment vous ausculter parce que de toute façon c'est dans votre tête, c'est très dure de se sortir de là ! Ces moments sont très délicats aussi bien pour vous que pour vos proches. Mais vous finirez par aller mieux :). Il faut oser en parler... tout simplement !